La grande roue des naissances et des morts
creuse dans la boue une voie sans issue,
sans commencement ni fin.
L'homme livre la guerre à ses semblables, indéfiniment,
alors que tous aspirent à la paix.
Mais il n'y a pas de paix dans ce monde,
qui est comme une maison en feu.
L'homme vrai retourne à la source de sa nature originelle,
des empreintes sur le sol lui montrent le chemin.
Il n'est pas le premier à suivre cette voie, et ne sera sans doute pas le dernier.
Il va de l'avant, sans s'arrêter, dans les circonvolutions de la mémoire,
à la recherche de ce souvenir impossible.
Au bout des traces, au loin, il aperçoit enfin la silhouette d'un homme.
Il est vêtu de haillons.
Il porte un sac sur le dos et observe par dessus l'épaule
le chemin parcouru.
Ce qu'il voit, aussi loin que porte le regard,
ce sont ses propres empreintes,
celles qu'il a laissées derrière lui et que pourtant il suivait.
Et il comprend qu'il n'y a jamais eu personne d'autre.
Les enfants naissent des parents qu'ils engendrent
et à leur tour les parents naissent des enfants qu'ils engendrent.
Ainsi l'homme marche dans ses propres traces depuis toujours.
Un chemin qu'il ouvre à chaque pas et qu'il laisse en l'état
pour qu'il puisse se souvenir de son visage
à chaque nouvelle naissance.
Dans le sac, il n'a rien à lui :
des mots comme des pansements,
des jeux pour les enfants, de la nourriture pour les affamés,
un refuge pour les égarés,
un sourire.
Il se rend au marché
et quand il tend les mains, c'est pour traverser le ciel.
La pluie tombe dans son bol d'aumônes vaste comme l'océan
avec un bruit mouillé.
Ce qu'il reçoit du ciel, il l'avale d'une seule gorgée,
et la perle brillante dans la vase au fond,
il la laisse aux démunis.
Quand le soir tombe enfin, il retourne chez lui,
dans la demeure qui ne se trouve nulle part.
Son sac est vide et la nuit s'étire à perte de vue.
Sous la lune blanche,
les frondaisons
comme des ailes d'oiseaux
frôlent le ciel obscur au gré du vent.
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